Quelles formes de révolte en Birmanie ?


1. Le "Soulèvement 8888".
  

   L'année 1988 marque un tournant dans la vie politique birmane. Le règne du général Ne Win, qui dure depuis vingt-six ans, a fait plonger l'économie dans une situation de dette inouïe : alors que les réserves nationales de devises sont d'environ 30 millions de dollars, la dette publique birmane est de ... 3,5 milliards de dollars. Ainsi, 50% du budget de l'Etat est consacré au service de la dette.
   En septembre 1987, Ne Win supprime de la circulation tous les billets de kyats, à l'exception de ceux de 45 et 90 kyats (multiples de 9, ils sont censés porter bonheur à la junte). Cette réforme monétaire est bien sûr très impopulaire, car d'un jour à l'autre, des millions de birmans perdent la plupart de leurs économies. Des étudiants de Yangon, incapables de payer leurs frais de scolarité, manifestent leur mécontentement en cassant des vitrines en ville. Les universités de Yangon sont alors fermées jusqu'au mois de novembre.
   En mars 1988, les manifestations reprennent, mais cette fois-ci pour des motifs majoritairement politiques. Encore une fois, les étudiants sont les principaux activistes. Ils expriment leur ressentiment à l'égard de la junte et des répressions armées trop violentes. Les manifestations donnent lieu à une nouvelle fermeture des universités du pays, cette fois-ci pour plusieurs mois. De nombreux manifestants et policiers anti-émeute sont tués. Les demandes d'instauration de la démocratie et du multipartisme au sein de la politique birmane poussent Ne Win à démissionner, le 23 juillet 1988, laissant Sein Lwin à la tête du pays.
   Le point culminant des manifestations est au mois d'août. Dès la démission de Ne Win, on accroche des bannières ornées du paon (symbole de la lutte birmane pour la démocratie), on publie des journaux dissidents, on brûle des photos de Ne Win et des billets dévalorisés ... Les étudiants fixent une action nationale le 8 Août 1988, date de bonne augure pour les manifestants, qui donna au mouvement son nom de "Soulèvement 8888". Ce jour-là marque le début de la grève générale. Des cortèges massifs, constitués d'étudiants, de moines, d'ouvriers, de membres des minorités ethniques, de tout horizon et de tout âge, traversent Yangon. On installe des tribunes à travers la ville. Les manifestations sont non-violentes : parfois même, les étudiants protègent les officiers des mouvements de foule ; ils vont même jusqu'à embrasser les chaussures des soldats pour les rallier à leur cause, d'après certains témoignages. Les manifestations perdurent jusqu'au 12 Août. Le gouvernement birman, surpris de leur ampleur, promet de prendre en compte les demandes des protestataires dès que possible.
   Mais, quelques jours plus tard, ce même gouvernement ordonne à l'armée d'ouvrir le feu sur les manifestants. Le 10 août, les soldats vont même jusqu'à tirer sur des médecins, infirmières et blessés à l'hôpital principal de Rangoon. Il n'y aucun chiffre précis quant au nombre de victimes durant le mois d'août 1988. Les estimations oscillent entre 1000 et 10 000 victimes, tandis que la junte ne déclare qu'une centaine de morts et 300 blessés.


    Sans explication, et contre toute attente, Sein Lwin démissionne le 12 août. Dès lors, la répression armée se fait plus feutrée. Une semaine plus tard, la junte place Maung Maung, seul civil membre du BSPP* , à la tête du gouvernement. Les manifestations reprennent le 22 Août, devenant vite incontrôlables pour les autorités.
   Lors d'un congrès début septembre, 75% des membres de la junte votent pour la mise en place d'un système multiparti. Le BSPP refusant de démissionner dans l'immédiat, les actions contestataires redoublent le 12 septembre. Le 18 Septembre, le général Saw Maung prend le pouvoir par la force. Il instaure le SLORC* et la loi martiale, écrasant les manifestations.


2. La "Révolution de Safran".

   La révolution de Safran doit son nom à la couleur orangée de la robe des bonzes birmans. Elle a débuté le 19 Août 2007 à Yangon, la plus grande ville du pays.

   C'est tout d'abord  le peuple birman qui manifeste pacifiquement dans les rues, suite à l'augmentation brutale, le 15 Août 2007, du prix des hydrocarbures, avec des hausse énormes : ainsi, le prix du diesel double en quelques jours seulement. Le régime justifie cette hausse par l'augmentation mondiale du prix du pétrole, mais selon certains chercheurs elle aurait été rendue nécessaire face à la mauvaise gestion de l'économie birmane par la junte elle même.   Au début les manifestations ne sont pas réprimées par le gouvernement, qui se contente de demander leur arrêt via la télévision d'Etat et de déplacer des troupes militaires vers Yangon. Mais les manifestations prennent de l'ampleur dès le 5 Septembre 2007, lorsque les bonzes sont violentés par des miliciens lors d'une manifestation à Pakokku, à 500km au nord de Yangon.
   Le 26 Septembre 2007, les forces armées birmanes prennent le contrôle des monastères, qui sont les centres du mouvement pro-démocrate, et interviennent contre 100 000 manifestants à Yangon. Le bilan de la confrontation est de 4 morts dont un civil, journaliste japonais tué par balle, et trois bonzes. Il y a également plusieurs coups de sommation dans le pays ainsi que plusieurs centaines d'arrestations même si certaines divisions de l'armée, refusant d'agir, ont soutenu en secret les moines manifestants. 
   Ce mouvement de révolte réprimé le 26 Septembre 2007 a pu être médiatisé dans le monde entier grâce aux vidéos prises par les manifestants birmans. L'opinion internationale s'est indigné face à la répression militaire de la révolution . L'ONU à envoyé plusieurs commissaires sur place pour tenter de dénouer la situation. La Chine alors qu'elle est l'un des derniers alliés du Myanmar avec leur partage d'importants investissements et plus de 2 millions de ressortissants , demande a ce que la dictature birmane fasse preuve de retenue et de cesser le feu sur les manifestants . L'ASEAN s'est déclarée "révulsée" par les agissements du gouvernement birman et à demander également un cessez-le-feu immédiat. Plusieurs manifestations
ont éclaté dans différentes villes du monde comme Londres, Paris ou New York pour manifester.

                                                                             

3. Le combat d'Aung San Suu Kyi pour la liberté.

   En 1988, lorsque la junte militaire prend le pouvoir en Birmanie, Aung San Suu Kyi, très influencée par les principes de Gandhi, s'associe à deux anciens généraux, Aung Gyi et Tin Oo. Ensemble, ils créent la Ligue Nationale pour la Démocratie, neuf jours après le coup d'Etat. Suu Kyi, en tant que Premier Secrétaire de la LND, est arrêtée le 20 juillet 1989. La junte lui propose d'échanger sa liberté contre son exil, mais Suu Kyi refuse. Elle est placée en "liberté surveillée".   En 1990, la LND gagne très largement les élections générales. Aung San Suu Kyi devrait prendre le poste de Premier Ministre, mais la junte annule le scrutin, provoquant un scandale international.


   Suu Kyi reçoit le prix Sakharov pour la liberté de penser, et le prix Rafto pour les droits de l'homme.   En 1991, Aung San Suu Kyi est nommée Prix Nobel de la Paix. Elle reçoit 1,3 millions de dollars, avec lesquels elle établit un système de santé et d'éducation pour le peuple birman.   Libérée en 1995 de sa détention, la junte la prévient : si elle quitte le pays pour aller voir sa famille au Royaume-Uni, elle n'aurait pas le droit de revenir, pas même en 1997 lorsque son mari est atteint d'un cancer et que la junte refuse de lui accorder un visa. Suu Kyi résiste à cette pression et reste en Birmanie, déterminée à se battre pour son peuple. Elle ne reverra jamais son mari qui meurt en 1999. Elle n'a le droit de rencontrer ni sa famille, ni les membres de la LND, ni la presse.   En 2000, elle retourne en prison. Elle est à nouveau libérée deux ans plus tard, à l'issue de négociations entre la junte et l'ONU. Pourtant, le 30 mais 2003, dans un village birman, sa caravane est attaquée par un groupe paramilitaire employé par la junte. Suu Kyi réussit à s'échapper, mais elle est rattrappée et arrêtée un peu plus tard. Elle est à nouveau placée en détention, avant d'être transférée en résidence surveillée pour cause de problèmes de santé.   En novembre 2005, la junte prolonge de 6 mois l'assignation à résidence de Suu Kyi. En effet, une loi de 1975 permet à l'Etat birman d'emprisonner pendant 5 ans sans jugement un potentiel "élément destructeur". Cette assignation sera reconduite trois fois de suite pour un an, malgré de nombreux appels lancés par Kofi Annan (ex-secrétaire général des Nations Unies) et une cinquantaine d'ex-dirigeants du monde entier pour libérer Suu Kyi.
    Le 10 août 2009, Aung San Suu Kyi est jugée puis condamnée à 18 mois de détention, ce qui la prive de tout espoir de participer aux élections de 2010. L'Union Européenne menace la Birmanie de sanctions, la Malaisie appelle à une réunion d'urgence de l'ASEAN. Suu Kyi décide de faire appel de son jugement, encouragée par l'opinion internationale.   Le 13 novembre 2010, la police birmane retire les barrières posées devant chez Aung San Suu Kyi. Elle est enfin libérée, après 21 ans de détention et de surveillance accrue.