Pourquoi se révolter contre le régime birman ?

1. Mise en place du régime politique actuel.

    En 1886, au terme de la troisième guerre anglo-birmane, la Birmanie devient une province de l'Inde Britannique. Sa capitale est alors Yangon. Dans le Nord, des résistants se manifestent jusqu'en 1990, avant que les Britanniques ne détruisent les villages pour stopper cette résistance. La "britannisation", comme elle est appelée alors, change la société birmane et le pays du tout au tout. L'économie est également bouleversée par la création du canal de Suez : pour répondre à une demande de riz croissante, les paysans achètent à crédit des terres. Mais les taux d'intérêts accordés par les banques indiennes sont extrêmement élevés et les paysans n'arrivant pas à rembourser leurs prêts sont expulsés de leurs terres. de plus, la majorité des emplois en Birmanie est occupée par les Indiens : en effet, l'Inde est une colonie anglaise depuis une trentaine d'années et l'éducation des Indiens en fait des travailleurs plus qualifiés. La croissance économique birmane profite donc uniquement au gouvernement britannique, alors que pour le peuple birman la misère et le chômage augmentent.
   En 1923, après des manifestations non-violentes, une réforme constitutionnelle crée un corps législatif élu, au pouvoir limité cependant. En 1930, Saya San, moine bouddhiste indigné par la création d'un nouvel impôt et prétendant au trône de Birmanie, mène une révolution paysanne de deux ans (avant son exécution). Lors de cette révolte, le Thakin*, mouvement réformiste étudiant, gagne la confiance des paysans et devient l'un des leaders du mouvement nationaliste. Ce mouvement est rejoint par Aung San en 1936.
   En 1937, la Birmanie est détachée de l'Inde et les Britanniques accordent à la colonie birmane une nouvelle constitution, comprenant une assemblée élue. Ba Maw est élu premier ministre, mais il est renversé quelques mois plus tard par U Saw qui reste au pouvoir jusqu'en 1942.
  La Seconde Guerre Mondiale est, pour les birmans, l'occasion d'obtenir des concessions britanniques en matière d'indépendance, en échange d'un effort de guerre. Cette négociation est refusée par les Britanniques qui lancent un mandat d'arrêt contre Aung San. Celui-ci s'est enfui en Chine, avant d'être aidé par le Japon où il reçoit, avec 29 autres jeunes birmans, un entraînement militaire, formant ainsi le groupe des "Trente Camarades"* qui retourne en Birmanie en décembre 1941.
   Alors que l'Empire du Japon vient de déclarer la guerre à la Grande Bretagne, Aung San annonce la formation de l'Armée pour l'Indépendance birmane destinée à combattre aux côtés de l'Armée impériale japonaise qui envahie en 1942 , la capitale birmane, Rangoon occupée en Mars alors que l'Est du pays est occupé par l'armée thaïlandaise. Les Japonais démantèlent l'Armée pour l'Indépendance birmane pour former l'Armée de défense birmane et placent Aung San à sa tête. 
   L'indépendance de la Birmanie est proclamée le 1° Août 1943. Ba Maw est nommé chef de l'Etat de Birmanie dont le gouvernement inclus Aung San ainsi que Thakin Nu, mais tout ceci semble n'être qu'une mascarade. Aung San négocie avec les Anglais à partir de 1943 et se range aux côtés des Alliés en mars 1945. Il forme une coalition de partis politiques contre le fascisme, l'AFPFL*, pour gouverner le pays. Les Japonais sont chassés de Birmanie en juillet 1945.
   Après la Seconde Guerre Mondiale, alors que  la Grande Bretagne a battu l'Empire japonais, celle-ci conduit au pouvoir birman une administration militaire et demande le procès d'Aung San comme traître pour sa collaboration passée avec le Japon. Cependant Lord Mountbatten, 1er Comte de Birmanie, vice-roi de l'Inde britannique et premier gouverneur général de l'Inde indépendante, est conscient de l'emprise de Aung San sur les forces armées birmanes ainsi que de sa popularité auprès de la population. Il nomme donc Sir Hubert Rance, un diplomate anglais, comme chef administrateur de la Birmanie afin de regagner la confiance de Aung San et, par la même occasion, celle de la population. Quelques temps plus tard, Lord Mountbatten revient au pouvoir et fait arrêter Aung San, ce qui manque de déclencher une rébellion. Voyant la réaction du peuple, les britanniques reculent et réhabilitent Sir Hubert Rance pour apaiser les tensions et rétablir l'ordre et la confiance. Par la suite, des négociations pour l'indépendance de la Birmanie sont entamées et se concluent avec succès en janvier 1947.
   Cependant cet accord ne satisfait pas tout le monde. En effet, Thakin Soe, quitte le parti communiste birman pour créer le "Parti Communiste du Drapeau Rouge", adhérant au mouvement trotskiste soviétique.  Alors qu'U Saw, premier ministre birman avant la guerre, pensait retrouver son poste après l'indépendance du pays, les élections d'avril 1947 sont remportées par l'organisation de Aung San, l'AFPFL, premettant à ce dernier de prendre la direction du gouvernement. U Saw l’interpréte comme un plébiscite en faveur d'Aung San, et organise son assassinat et celui de ses collaborateurs, le 19 juillet 1947, par une troupe paramilitaire.
   Thakin Nu, membre du Parti socialiste birman, dût former un nouveau gouvernement assurant l'indépendance du pays, proclamée le 4 janvier 1948 à Londres. La Birmanie, devenue un Etat fédéral, refuse d'être membre du Commonwealth. Pendant l'exercice de son mandat, Thakin Nu est confronté à la rébellion de certaines ethnies du pays et à un fort mouvement de rébellion communiste dans la capitale, Yangon. L'économie birmane est également touchée, car l'exportation de riz, le produit le plus exporté de Birmanie, baisse considérablement, entraînant une forte inflation. Après ses échecs successifs, Thakin Nu démissionne le 12 juin 1956, remplacé par Ba Swe, membre de l'AFPFL. Thakin Nu reprend ensuite son poste mais fait appel, en septembre 1958, au chef d'etat-major Ne Win, ancien membre des " Trente Camarades", pour remettre l'ordre dans le pays. Ce dernier se retrouve donc à la tête d'un "gouvernement de transition". Aux élections de 1960, Thakin Nu est élu premier ministre pour la troisième fois et revient au pouvoir début mars. Cependant, il est renversé par le général Ne Win lors d'un coup d'Etat, le 2 mars 1962.
   C'est ainsi que Ne Win, premier dictateur de la Birmanie accède au pouvoir. Il se nomme premier ministre à la tête d'un Conseil Révolutionnaire nationaliste et marxiste. Il fonde le Parti birman du programme socialiste, le BSPP*, dont il sera l'unique président jusqu'en 1988. Il crée un nouveau système de santé, nationalisant des établissements privés et rendant l'aide médicale gratuite, ainsi q'un nouveau système d'éducation public, avec le lancement d'une campagne de suppression de l'analphabétisme en 1965. Il fait voter des lois contre les grands propriétaires terriens et les usuriers pour protéger le droit des paysans à la propriété de leurs terres. Le 2 mars 1974, il dissout le Conseil Révolutionnaire et proclame la République Socialiste de l'Union Birmane, dont il devient le président. Le même jour il abandonne le poste de premier ministre, qui est désormais privé de beaucoup de pouvoir, et le cède au général Sein Win. Ne Win dirige le pays d'une main de fer, guidant ses décisions politiques par des prévisions astrologiques. Ainsi, il décide du changement du sens de circulation, "délocalise" du jour au lendemain la capitale birmane et fait imprimer des billets de banques de 45 et 90 kyats car ce sont des multiples de 9, chiffre porte-bonheur de la junte. Le 9 novembre 1981, il quitte la présidence au profit du général San Yu. Néanmoins chef du parti unique, Ne Win conserve son autorité politique suprême jusqu'à sa démission définitive le 23 juillet 1988, provoquant de nombreuses manifestations (voir rubrique II-1). 
   Le 18 septembre 1988, le coup d'Etat du général Saw Maug met fin à tout espoir de démocratisation. Certains considèrent que Ne Win, alors en retraite, aurait été l'organisateur de celui-ci, qu'il aurait également influencé pendant dix ans le SLORC* alors au pouvoir. 
   En 1989, le SLORC rebaptise alors le pays en en Myanmar, terme signifiant " les premiers habitants du monde" ; cependant, la plupart des gouvernement étrangers, ainsi qu'Aung San Suu Kyi, continuent de l'appeler Birmanie. En 1990, le SLORC annonce l'organisation d'élections législatives. Elles sont remportées par la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), cependant la junte militaire annule le résultat des élections, bannissant son parti. Deux ans plus tard, le général Than Shwe succède à Saw Maug et devient premier ministre et président du SLORC. Il devient commandant en chef des forces armées du Myanmar le 18 mars 1990. 
  Le 23 avril 1992, contre toute attente, Saw Maung démissionne, invoquant des raisons de santé. C'est donc tout naturellement que Than Shwe, futur adepte de l'astrologie tout comme son prédécesseur Ne Win, le remplace. Durant l'exercice de ses fonctions, Than Shwe relâche l'emprise de l'Etat sur l'économie birmane. Il autorise l'adhésion de la Birmanie à l'ASEAN en 1997 et supervise une grande répression contre la corruption au sein du parti, licenciant plusieurs ministres et commandants. De janvier 1993 à septembre 2007 est mise en place une convention pour une nouvelle constitution démocratique, à laquelle la LND participe. Than Shwe maintient cependant la censure en supervisant la détention des dissidents. Il arrête le premier ministre Khin Nyunt en 2004, car celui-ci soutient la canditature de Aung San Suu Kyi à la convention nationale. En mai et en novembre 2006, il rencontre un envoyé spécial de l'ONU venu voir Aung San Suu Kyi. Than Shwe refuse cependant de rencontrer un représentant des Nations Unies quand celui-ci visite la Birmanie en novembre 2007, tout comme il refuse l'accès du pays aux aides humanitaires après le Cyclone Nargis le 2 mai 2008. Ces refus lui ont valu de nombreuses critiques de la part de l'ONU et de la communauté internationale en général. En juillet 2009, Ban Ki Moon, secrétaire général de l'ONU, s'est entretenu avec le général mais s'est vu refuser sa demande pour rencontrer Aung San Suu Kyi.


 2. Situation actuelle en Birmanie.






   La junte persécute le peuple en le privant de ses libertés fondamentales, comme la liberté d'expression, en contrôlant totalement le milieu médiatique ou même la vie privée des individus. Le système est également basé sur la mégalomanie des dirigeants de la junte : alors que le peuple souffre de la misère en gagnant en moyenne 30 euros par mois, le gouvernement dépense sans compter, comme lorsqu'il crée la nouvelle capitale, Naypyidaw, où les aménagements sont luxueux et démesurés si l'on considère sa faible fréquentation. Le gouvernement sait aussi éviter les problèmes qui pourrait nuir à son autorité, en émettant une restriction sur le carburant de façon à limiter les déplacements, ou en excentrant les universités des villes pour éviter les riques de rebellion étudiante comme en 1988. Souvent, le régime est en opposition avec ses propres principes : alors qu'il souhaite développer le tourisme en créant des vidéos de propagande, il reste néanmoins fermé par la difficulté de mode de paiement. Un autre paradoxe réside dans le fait que la junte "soutient" la lutte contre les drogues en contruisant des musées contre celles-ci, alors que la Birmanie est au coeur d'un des plus gros trafic d'opium au monde. Ces mesures, prises sans se soucier du peuple, sont loin de faciliter la vie des habitants. Les birmans sont pourtant obligés de les respecter, ce sans quoi ils peuvent le payer de leur vie : jugés par la junte comme dissidents, ils risqueraient les camps de prisonniers politiques ou autres maisons d'arrêt. 
   La junte militaire ne fait rien pour aider le peuple. Cela s'est particulièrement vu en mai 2008, après le passage de Nargis, un cyclone qui a dévasté toute la côte Sud-Ouest de la Birmanie, dont le delta de l'Irrawaddy ou se situe Yangon. Le bilan établi par des organisations humanitaires est de 135 000 morts et disparus, 40 000 blessés et plus de 2.5 millions de sinistrés. Suite à cette catasatrophe naturelle, les organisations humanitaires du monde entier ont voulu venir en aide à la population, mais dans un premier temps, la junte a refusé toute ingérence extérieure dans les affaires de son pays. Cependant, au vu de l'étendue des dégâts, elle révisa son jugement et accepta certaines grandes organisations humanitaires à oeuvrer. De grandes puissances comme les Etats-Unis, le Japon, l'Inde et l'Union Européenne promirent des aides financières, se méfiant tout de même de la junte qui avait déja détourné des cargaisons de ravitaillement pour son propre compte.



3. La vie de Aung San Suu Kyi

   Aung San Suu Kyi est née le 19 juin 1945 à Yangon, fille de Khin Kyi et du général Aung San, leader du mouvement indépendantiste et démocrate birman d'après guerre. Elle n'a alors que deux ans lorsque son père est assassiné le 19 juillet 1947, six mois avant l'indépendance. Son nom est composé de celui de son père (Aung San), de celui de sa grand mère (Suu) et une partie de celui de sa mère (Kyi). Après la mort de son mari, Khin Kyi commence à s'engager dans les milieux sociaux et publics et devient une personne emblématique dans le paysage politique du gouvernement des années 1950 et 1960, par la suite elle devient ambassadrice de la Birmanie en 1960 à New Delhi. Aung San Suu Kyi étudie d'abord à l'école anglaise catholique de Birmanie puis rejoint sa mère en Inde où elle termine ses études secondaires au Lady Shri Ram College en 1964. Elle part ensuite en Angleterre pour faire un cursus de philosophie, de politique et d'économie au St Hugh's School d'Oxford entre 1964 et 1967Elle clôture son premier cycle universitaire d'études supérieures par un doctorat à la School of Oriental and African Studies (SOAS) à Londres . En 1969, alors âgée de 24ans elle déménage ensuite à New York pour entamer son second cycle et devient secretaire-assistante du Comité des questions  administratives et budgétaires des Nations Unies. En 1972, elle se marie avec Michael Aris, spécialiste universitaire reconnu de la culture des civilisations tibétaines et himalayennes qu'elle à rencontré lorsqu'elle était à Oxford.Un an plus tard elle donne naissance à son premier enfant, Alexander à Londres, puis de son deuxième Kim en 1977 à Oxford. 
   En 1988 elle quitte sa famille avec qui elle vit au nord d'Oxford pour retourner en Birmanie et rester au chevet de sa mère malade. Cette dernière décède le 27 décembre 1988, laissant Suu Kyi seule dans sa maison de bord du lac Inle. Ses funérailles sont une véritable manifestation pacifique contre le régime politique au pouvoir.